Dans le cadre de la loi de finances pour 2022, il est désormais possible de déduire de son résultat fiscal l’acquisition ou l’apport d’une patientèle par un amortissement étalé sur 10 ans, y compris lorsque l’on devient SEL, sous réserve de limites. Il s’agit d’une possibilité à la fois exceptionnelle et temporaire.
La doctrine fiscale
Le droit fiscal établit que l’acquisition d’une clientèle professionnelle ne peut en aucun cas faire l’objet d’un amortissement comptable. En comptabilité, on parle de fonds commercial. Ceci même si la profession exercée n’est pas de nature commerciale.
En effet, l’acquisition d’une patientèle constitue un élément incorporel (au sens juridique du terme) dont la durée de vie est illimitée. Elle ne peut donc pas être déduite par fractions du revenu imposable de l’entreprise qui l’exploite.
Toutefois, afin de relancer l’économie sans modifier cette doctrine fiscale, l’article 23 de la loi de finances pour 2022 adopte une solution temporaire qui, en pratique, représente un revirement à 180° de la doctrine énoncée en rendant les patientèles déductibles en totalité et sur option.
Par ailleurs, si vous êtes concerné, vous avez le choix de vous abstenir d’utiliser cette mesure dérogatoire ou d’en bénéficier. Il s’agit d’une décision de gestion.
Amortissement de la patientèle : une mesure dérogatoire
Acquisition
La mesure est applicable aux patientèles obtenues à titre onéreux entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025. Elle touche toutes les petites entreprises, y compris celles des professions non commerciales. On entend par petites entreprises celles qui ne dépassent pas deux des trois seuils suivants :
- 12 millions d’euros de chiffre d’affaires,
- 6 millions d’euros de total de bilan,
- 50 salariés en moyenne.
Une entreprise individuelle (EI) soumise au régime fiscal des BNC peut avoir réalisé cette opération d’acquisition. Il s’agit aussi du cas pour l’entreprise d’exercice telle qu’une SCP, une SEL ou une SEP.
Apport
Les patientèles qui ont fait l’objet d’un apport quelconque sont également concernées par la mesure dérogatoire. La société d’exercice telle qu’une SCP, une SEL ou une SEP est incluse.
Remarque
Il faut savoir que si la situation vous semble favorable, il est possible d’y renoncer. Ainsi, vous pouvez bénéficier du report d’imposition de la plus-value de l’apport en vertu des dispositions de l’article 151 octies du CGI.
Un amortissement linéaire sur 10 ans
Or, en pratique, dans le cadre d’une profession libérale telle que celle de médecin ou d’une société d’exercice de médecins, la législation précise qu’à défaut de connaître la durée réelle d’utilisation de la patientèle acquise ou apportée, l’amortissement doit être réalisé en comptabilité sur une durée fixe de 10 ans, par mesure de simplification.
Amortissement de la patientèle : exemple
Supposons que vous succédiez à un confrère qui vous a vendu son outil de travail, y compris sa patientèle, pour 80 000 € au 1er janvier 2023. Vous inscrivez alors, cette acquisition dans votre registre des immobilisations et des amortissements pour ce montant. À la différence du passé, vous avez maintenant un choix de gestion :
- Soit, vous décidez de ne pas utiliser cette mesure dérogatoire et vous écrivez simplement « pour mémoire » en face de cette immobilisation incorporelle, et vous ne pourrez rien déduire ;
- Soit, vous décidez d’amortir cette acquisition de manière linéaire sur 10 ans. Vous déduirez ainsi 8 000 € chaque année de votre revenu imposable pour les années 2023 à 2032 incluses.
Le souci du formalisme juridique
La mesure anti-abus
Le 21 décembre 2022, l’administration fiscale a mis en place un dispositif « anti-abus » sur deux points principaux :
- Entre le 1er janvier et le 17 juillet 2022, la mesure d’amortissement dérogatoire ne peut être appliquée que si « l’opération n’a pas été réalisée pour des motifs exclusivement ou principalement fiscaux ».
- Après le 18 juillet 2022, la mesure dérogatoire ne peut s’appliquer que si l’acquéreur n’est pas lié au cédant au sens du 12 de l’article 39 du CGI, ou n’est pas contrôlé par la même personne physique que le cédant (transformation en société, holding), le tout encadré par des conditions précises et strictes.
Pour bénéficier de la mesure dérogatoire, les formalités juridiques de base suivantes doivent être respectées :
- Au cours de l’acquisition : un acte de cession individualisant complètement les éléments incorporels acquis, leur prix, et leur origine, dûment enregistrés auprès du service des impôts compétent.
- Pour l’apport, l’exigence d’un acte d’apport attesté par un commissaire aux apports est rappelée.
- Faire attention aux acquisitions de patientèles qui n’en sont pas. Même si elles ont donné lieu à une rémunération légitime des cédants ! Des structures telles que la « médecine d’urgence à domicile » ou des groupements de praticiens en sociétés de fait (SDF) dont la patientèle est juridiquement et fiscalement indivise en sont des exemples (groupements d’anesthésistes par exemple).
L’Équipe SERELYON